2015-2016 : un luxe en hiver (2/2)

Bonjour à toutes et à tous,

Ce second article complète celui paru le 2/02/2017 sur les évolutions les plus significatives montrées par le marché international du luxe pendant les deux années 2015 – 2016, en abordant les enjeux du retail et les perspectives 2017 – 2021.

Enjeux du retail

Si les années 2015 – 2016 montrent le développement continu de nouvelles formes de consommation du luxe – achats d’objets d’occasion, économie collaborative, propriété partagée, location (de préférence à l’achat), « uberisation » de certains services -, le phénomène marquant est néanmoins la confirmation de l’exceptionnelle résilience des réseaux de vente physiques.

Transformation du point de vente physique

En dépit des prédictions de nombreux « experts » ayant annoncé la mort du point de vente physique, plus de 9 ventes de produits de luxe pour la personne sur 10 sont encore réalisées dans celui-ci. Et, loin de se résigner, les meilleurs détaillants profitent au contraire des opportunités offertes par une digitalisation intelligente de leurs points de vente pour dépasser les attentes de leur clientèle, concurrencer les « pure players » digitaux et offrir à leurs client(e)s des parcours d’achat agiles, fluides, construisant une expérience de la marque à la fois unique, multi-sensorielle et fortement personnalisée.

Le point de vente ne deviendra en effet un véritable point d’expérience que s’il réussit à intégrer les apports technologiques de manière à garantir sans efforts apparents (ni complexification du parcours d’achat) la satisfaction de sa clientèle. L’objectif poursuivi par ces détaillants est donc de réussir les 3 étapes successives de la transformation de leur point de vente au prisme du digital :

  • L’intégration des avancées technologiques pour améliorer les usages : connaissance des collections et des produits, optimisation des fonctions support et de leurs éventuels points de faiblesse (disponibilité, paiement, expédition, SAV…). Des technologies digitales telles que tablettes, écrans interactifs ou cabines d’essayage équipées de miroirs tactiles exploitant la réalité virtuelle peuvent jouer un rôle important dans la création d’un environnement immersif. Ces technologies complètent l’intervention de l’ambassadeur de la marque, en exploitant l’historique d’achat de la cliente, l’information complémentaire sur les produits, leurs conditions de disponibilité ou encore l’ensemble des offres promotionnelles accessibles dans le point de vente.
  • La fluidification des opérations de la marque : communication on/off, distribution on/off et les relations entre communication et distribution (on/off).
  • L’intégration des évolutions et ruptures comportementales induites par cette transformation digitale de la marque. Cela en veillant à ce que cette intégration ne se limite pas à ses seules dimensions techniques (les plus évidentes, puisqu’elles répondent directement aux avancées technologiques portées par cette transformation digitale), mais accorde aussi toute l’attention qu’il mérite à son volet humain.

Ancrage géographique 

En 2015 – 2016 les marques de luxe tiennent aussi de plus en plus compte de l’ancrage géographique spécifique de leurs différents points de vente. Leur enjeu ? Renforcer l’authenticité et la qualité de l’inscription dans l’environnement du quartier ou de la ville accueillant ce point de vente.

Plusieurs moyens existent au-delà de la simple personnalisation de l’assortiment produits :

  • soutenir financièrement des organisations philanthropiques ou caritatives locales ;
  • accueillir des objets et œuvres d’art régionalistes dans le cadre de l’architecture intérieure de ce point de vente / d’expérience ;
  • héberger des expositions de peintres ou photographes du cru …
  • remettre en question la présentation traditionnelle de ces produits en familles et catégories, cf. ces nouveaux « points de vente – appartements » présentant les produits en associations ou styles de vie, ou le cas d’enseignes mono marques qui proposent une sélection complémentaire pour créer un univers vraiment global.

Savoir perdre son temps

À l’avenir, le point de vente de luxe sera de moins en moins une zone d’immédiateté. En faire le lieu privilégié de l’expérience la plus complète de la marque c’est, en creux, suggérer au client de savoir y perdre son temps. Sinon, comment accéderait-il à cette expérience et pourrait-il la vivre ?

Perspectives 2017 – 2021

L’incertitude prédomine : Bain se montre très prudent quant à l’évolution de la croissance du marché mondial des produits de luxe pour la personne en raison du contexte actuel et « des difficultés qui pourraient se présenter ». Mais le cabinet de conseil en stratégie estime néanmoins que le marché pourrait atteindre 280 à 285 milliards d’€ d’ici 2020, avec une croissance annuelle de +3 % à +4 % dès 2017…

Si la plus grande humilité s’impose, elle n’empêche pas d’essayer de formuler quelques éclairages prospectifs :

  1. Corollaire d’un renouvellement des générations qui voit monter la représentation des générations Y et Z dans les 350 millions de clients du luxe, nous assistons depuis 2008 – 2009 à l’évolution d’un luxe ostentatoire et d’exclusion (le luxe moderne) vers un luxe intimiste et d’inclusion (le luxe contemporain). Pour preuve, cette addiction des plus jeunes au partage de la moindre session de shopping via tweets, selfies et autres témoignages postés sur Instagram. Le luxe contemporain ne se définit plus par une illusoire inaccessibilité ; ce sont les spécificités de ses différentes tribus qui le caractérisent le mieux.
  2. La fidélité à la marque était l’apanage du luxe moderne. Elle est combattue, dépassée par des consommations du luxe contemporain de plus en plus variées, complexes, individualisées et porteuses de sens. De nouvelles consommations qui, par leur diversité, rendent obsolètes tant la notion de hiérarchie que le fantasme d’une identification à tel ou tel « happy few ».
  3. Les frontières du marché mondial de ce luxe contemporain sont elles aussi en quête d’une redéfinition. Ce luxe découvre la concurrence des objets nomades et connectés. Ces objets, combinés à l’usage des textiles intelligents, investissent déjà le champ économique de la pratique sportive en plaçant la recherche de performances à la portée de tous. Le smartphone paraît quant à lui être devenu le marqueur contemporain de l’ostentation. Les services de luxe se réinventent en permanence. L’expérience supplante la possession. La notion de statut – pourtant intimement liée au luxe – connaît une véritable révolution en remplaçant le « j’ai » par le « je suis ». Les Millennials sont en faveur d’un luxe responsable ; ils sont plus préoccupés que leurs aînés par les risques de gaspillage des ressources d’exception. Et, ce sont eux qui assurent le succès de marques qui, par leurs valeurs, témoignent d’un authentique engagement sociétal et social (Warby Parker hier, DSTLD, Everlane ou Cuyana aujourd’hui). Elles ne représentent nullement un épi phénomène. Plutôt une réponse contemporaine, tangible, à une diffuse « quête de sens« , devenue aujourd’hui d’autant plus indispensable que les nouvelles clientèles du luxe ne sauraient être insensibles à un environnement quotidien empreint d’insécurité, de doutes et d’instabilités multiples.
  4. L’arrêt des ouvertures de nouveaux points de vente (Gucci : + 200 en 5 ans !), la récente modération des hausses tarifaires et une tendance marquée au recentrage sur un nombre restreint de familles de produits dessinent une nouvelle géographie, beaucoup plus floue et mouvante. Les stratégies de marque issues du luxe moderne n’opèrent plus. L’ouverture de nouvelles boutiques dans les villes chinoises de Tier 2 ou 3 (ou aux USA) ne garantit plus le succès financier. Il n’existe plus aucune best practice infaillible que le luxe contemporain pourrait se contenter d’appliquer sans prendre le moindre risque. Le luxe est aujourd’hui contraint de se réformer ; en parallèle les marques sont invitées par la profonde mutation de leur environnement à se rapprocher de leur(s) clientèle(s).
  5. L’essor du numérique oblige ces marques à réussir leur transformation digitale en exploitant au mieux les apports de le-Multiculturalisme. Cette discipline d’avenir associe une parfaite connaissance des différents logiciels de gestion de contenu digital et la prise en compte des spécificités linguistiques, culturelles, sociales, réglementaires des pays dans lesquels la marque désire se doter d’une expression digitale locale performante. En se conformant aux moteurs de recherche, réseaux sociaux, usages préférés par les internautes locaux, l’e-Multiculturalisme garantit à la marque de toucher ces derniers plus vite, plus efficacement (et à moindre coût). Et ainsi d’optimiser le déploiement international de sa stratégie et de ses contenus, en même temps qu’elle optimisera les performances de ses activités locales d’e – commerce.

Ces divers éclairages sont porteurs de promesses multiples, et ils tracent autant de fantastiques défis pour les mois et années à venir. Si la partie n’est pas gagnée, le ré apprentissage des vertus du jeu que nous appelions de nos vœux lors de la parution de Luxe et marque représente un atout décisif, et qui conserve intacte son actualité !

2017 : le printemps du luxe ? Affaire à suivre …

Amitiés à toutes et tous,

Alexandre

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